Christophe Bohême - Artiste et Auteur photographe

Au commencement des images photographiques de Christophe Bohème, il y a la traversée du paysage : un vagabondage attentif et soucieux, une flânerie intéressée à l’écoute du paysage et de ses détails, de ses agencements propices à déclencher le geste de prise de vue, à générer cette taille dans l’espace et le temps de la marche que manifesterait ainsi l’acte photographique.
Car la photographie de Christophe Bohème se définirait bien comme une pratique du détail, s’organisant autour d’une perception tout à la fois macroscopique et macrocosmique du paysage : un resserrement du regard poussé jusqu’à l’abstraction, jusqu’à l’émergence d’un paysage caché à l’intérieur même du paysage.
La photographie de Christophe Bohème s’appuie sur le réel tel qu’il se présente au regard. Il n’agit pas directement sur lui, ne le transforme pas en prévision de la photographie à venir ; il le met en scène uniquement par le choix du cadrage, du point de vue, de l’instant décisif où l’image sera captée. L’acte de prise de vue, de taille au sein du paysage, procède donc d’une décision forte : il s’agit de saisir l’occurrence qui se présente à l’œil, cet instant fugace où l’action, la nature et l’art se rejoignent dans le déclic de l’appareil.
A l’heure du tout retouchable et du tout effaçable, à l’heure de cette immédiateté et de cette profusion de clichés impliquées par l’image numérique, il est important de préciser que Christophe Bohème œuvre sur le mode argentique. C’est-à-dire qu’il pratique la photographie au sens étymologique – une « écriture par la lumière » – et inclut ainsi au cœur de sa démarche cette part, toujours paradoxale, d’aveuglement et de surprise, de latence et de lenteur propre au tirage argentique. De ce fait Christophe Bohème ne «mitraille» pas, ne recherche pas à multiplier inutilement les possibilités de réussite de son cliché. Son geste se nourrit au contraire de cette part d’inconnu, pratiquant un art du détail trouvé ou du détail décisif – là où Henri Cartier-Bresson parlait «d’instant décisif» : un art de la surprise maîtrisée, c’est-à-dire nourri d’un juste équilibre entre hasard et volonté, attention et action.
Son oeuvre se présenterait donc comme une échappée hors du temps ou plutôt au cœur du temps propre à l’espace photographique, comme une taille dans l’éphémère – la photographie découpant non seulement de l’espace, mais également du temps – comme une concrétion : le cadrage se resserre, concentre en son sein le détail d’une matière donnant naissance à des univers en formation, des espaces en genèse, des épiphanies.

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